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vous. Ce ne sont pas vos histoires que j’entends, c’est un résumé de vous. Quelles que soient vos nouvelles chimères de constructeur fantastique, j’en arrive toujours à la même interprétation, qui est vous. Il y a en vous une soif de réalisations gigantesques. Vous souffrez d’un mal de ce pays, qui est celui de dépasser. Votre cerveau est un building lot sur lequel vous bâtissez et rebâtissez en plus vaste. J’accueille vos grands projets comme de petits enfants partis à l’aventure. Je dis : « Ce sont bien eux ! C’est bien lui ! »

À mon tour, je vous conte mille riens que vous recueillez avec intérêt ; nous reprenons ensemble mes vieux débats, au point où nous les laissâmes, au moment de votre départ, avec les quelques Croquemitaines de mon existence ; nous réglons à leur avantage les affaires embrouillées de mes amies ; je vous mets au courant des dernières prouesses des membres de la colonie française que vous avez rencontrés. Nous ajoutons quelques traits à l’agent commercial ou à l’importateur. Nous achevons de peindre le « major », le docteur, l’artiste qui affluent à chaque saison. Je vous vis toujours muet, courtois et souriant à ces réunions où l’on vous étourdissait les oreilles d’une langue précipitée et inconnue. Vous étiez occupé à surveiller votre cigarette et à avoir l’air d’écouter ces gens que rien ne rapproche de vous et que vous devriez mal