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marie le franc

fornie, l’heure à laquelle le taxi sera à ma porte, car ce soir, il paraît que nous dînons ensemble. Par-dessus la petite table à deux que vous avez retenue au Windsor, dans votre coin favori, nous ferons voyager nos propos comme nous le pourrons, avec le bruit de l’orchestre dans une oreille et celui du jet d’eau dans l’autre.

Vous me direz la rencontre que vous fîtes, dans la ville basse, de princes de la finance ou des affaires, la vieille plaisanterie dont ils vous saluèrent, vos visites aux agents de change, la somme que vous rapporta le coup de Bourse d’aujourd’hui, laquelle représente exactement ce que vous perdîtes par le dernier, de sorte que vous voilà rétabli dans votre estime. Ce n’est pas cette somme qui importe, mais la revanche qu’elle vous donne, l’assurance que vous n’avez rien perdu de votre flair ni de votre bonne fortune, et que vous vous rangez toujours parmi ceux qui comptent, ceux de la lutte, du risque, de l’action, de la chance ; la certitude qu’on ne vous a pas relégué « sur l’étagère » et que vous n’êtes pas devenu ce que vous redoutez le plus au monde, an old man.

Je vous écoute, pénétrée, comme si vous me faisiez d’intimes confidences. Ces chiffres m’honorent. Je suis à peu près sûre d’être la seule à qui vous les confieriez. Je triomphe avec vous, je dis doucement : « Good for you ! » Je suis fière de