Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
marie le franc

des fortunes auxquelles la vôtre n’est sans doute comparable qu’à une pépite dans un torrent. Non celui de votre personnalité, qu’on ignore. Vous êtes, comme tant d’autres de votre race, celui qui ne se lasse jamais de parcourir le monde ; vous faites partie comme tant d’autres du conseil d’administration d’un certain nombre de compagnies ; ceux-ci vous prennent pour un boursier, ceux-là pour un négociant, quelques-uns pour un ingénieur ; vous avez exploité une mine et dirigé un ranch, et je vous entendis parler du temps où vous entrepreniez la construction d’une voie ferrée, et, à la tête d’une équipe d’aventuriers, traversiez une région inexplorée, portant sur le dos une caisse de dynamite. Vous dormiez dans une cabane de rondins où, les soirs de beuverie, l’ordre se rétablissait à coups de botte ; vous vous nourrissiez de pork and beans, vous portiez la chemise de laine rude à carreaux et tout l’équipement du défricheur, et l’hiver suivant, vous faisiez le gentleman dans une des plus célèbres villégiatures de la Riviera. Vous ne vivez que pour la grande aventure des affaires. Une fois l’une d’elles dans l’engrenage, elle ne vous intéresse plus, si fructueuse soit-elle. Il vous faut le poème et le roman de la nouvelle entreprise, le plaisir de l’engendrer et l’art de la construire. Il vous faut essayer votre pouvoir sur les hommes, leur communiquer votre foi dans le succès et votre