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des reproductions d’antiques ; il hume l’atmosphère par habitude de métier, prend des notes malgré lui. Rien de fragile à cet intérieur : ce n’est pas un bibelot qu’on soulève et qu’on remet en place avec précaution… Que lui apprend-il ?… Curieuses, ces vies de femmes seules, à l’étranger, ces vies qui se dérobent. Qui sont en réalité ces deux-ci ?

Le voyageur poursuit son voyage, passe le doigt, puis l’œil dans une porte mal fermée, soulève une portière : une machine à écrire luit sur une table. Cela lui remet en mémoire le billet qu’on lui a monté dans sa chambre ce matin, au Ritz, tapé à la machine, non signé, qui lui souhaitait la bienvenue. On dirait que ce petit billet l’a deviné frileux, et qu’il est venu sans façon lui dire bonjour sur le plateau du déjeuner, entre le pot de marmalade d’orange et la demi-lune de pamplemousse à la glace. La neige qui tourbillonnait à sa fenêtre du dixième étage a eu quelque chose de joueur. Il a souri : petit billet, flocon fugitif qui tombe sur un seuil et est emporté par la tourmente. La vie souffle à tous les étages.

Alors ? Cette machine ? À qui appartient-elle ? Est-ce que c’est Marie-Louise qui l’abrite dans ce cabinet, chez l’amie, en pénitence avec le gramophone, la paire de skis, la malle-cabine, des piles de