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marie le franc

dessus. Leur drame vaut bien qu’on s’y intéresse. Et cet homme qui pourrait leur donner un conseil d’aîné paraît ne rien pressentir. Il disserte avec des femmes ! Il regarde Marie-Louise. Il la palpe des yeux. Et elle n’a pas l’air de s’en apercevoir ! Elle ne ramène pas ses pierres du Niagara autour de son cou selon son habitude quand elle se sent frôlée. Ils lui en veulent : ils perdent par sa faute un tête-à-tête unique. Ils ont eux aussi des choses à dire, ou plutôt, ils ont à se dire, à se vider une bonne fois d’eux-mêmes, à parler comme s’ils écrivaient, avec tous les droits. Ils sont furieux de leur attitude d’écoliers.

Lurcain ne les perd pas de vue… Celui qui refait Homère tiraille sa courte moustache. Son regard luit, en coin, guettant une nouvelle proie. Celui du tennis, des dames, de la diplomatie, qui a un corps de lévrier racé, des yeux couleur de peau de lézard, un cou long, une lippe expressive un peu espagnole, est en train de se morigéner : « De la tenue ! » Le troisième a pris à la fin son air d’ours. Il voudrait se lever, mettre les mains dans ses poches et arpenter la chambre, comme il fait le matin, au moment où son bain est prêt. Même devant la baignoire fumante, il est celui qui est voué à l’indécision. Celui qui allume une cigarette quand on crie au feu. Celui qu’irrite à l’avance l’idée d’être en retard, mais qui arrivera en