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marie le franc

ligne, en fond de bouteilles où les paroles se décantent.

D’ordinaire, ils se trouvent chez eux dans cet appartement. On les entoure, on les écoute, on les blague, on les taquine : ces hommes sont. Les voix féminines changent de qualité quand ils arrivent. Le monde redevient bisexuel. Ce soir, ils ont l’air de mauvais disciples. Monsieur Lurcain a pris leur place sur le divan. Et chose étrange : il laisse mener la conversation par Marie-Louise et l’amie. Il est pris dans l’angle que forment ces deux esprits. Il se complaît dans l’inconnu qu’elles représentent, et qui s’ajoute à la nouveauté de ce logis, au secret de cette ville, aux surprises de ce climat. Au sortir d’une salle surchauffée, il se trempe dans un bain aux aromates mystérieux. Tant pis si le spectacle n’est pas au goût des « jeunes ». Ses quarante-cinq ans se tendent comme un poing musclé au bout duquel il les tient tous les trois. Il y a des faces parfaitement immobiles qui ricanent. Leurs faces sont de celles-là. S’ils étaient assis à des pupitres, ils se donneraient des coups de pied par-dessous pour témoigner qu’avec eux ça ne prend pas ! Bien sûr, ils ont leurs vagues profondes de sincérité, des lames de fond qui les soulèvent malgré eux. Leur jeunesse est parmi les plus saines. Mais, ce soir, ils sont mal partis. Elle rétrograde, elle redevient gamine, elle