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visages de montréal

bliable au fond, faite de ce laisser aller absolu. Il y a en présence trois êtres qui se défont pour se mêler. Ce divan est une étape. Il ne sait plus bien où il se trouve… Ce vase de frézia sur la table… Est-ce à Cuba ? Cette neige crispée d’avril qui griffe les carreaux, est-ce à Leningrad ? Ces deux femmes qui savent causer, est-ce à Paris ? Américaines ? Hum !… Leurs genoux ronds sont posés sagement à côté l’un de l’autre, et il n’y a pas de cocktail à leur coude.


Non, il est parmi les hommes. Il ne faut pas oublier le petit groupe de « camarades » que lui masque Marie-Louise. Il les voit mal. On a éteint le plafonnier. Il ne reste plus dans les angles que de petites lampes où la lumière couve sous les abat-jour jaunes. Ils font public avec leurs habits noirs. Ils prolongent la foule de tout à l’heure. En les regardant, il recommence à enfoncer sa parole, prudemment, pour sonder l’atmosphère. Tous les trois l’écoutent avec une grande attention, et surtout une déférence trop marquée. Les femmes, elles, en montrent à peine. Ce sont elles qui sont devenues le groupe de camarades. Il sent entre ces moins de trente ans et lui une barrière. Ils mettent intentionnellement en balance avec sa notoriété leur jeunesse soudée ensemble, formant poids et masse. Ils sont assis à l’arrière-plan, sur une même