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marie le franc

rière de sa tête brune comme un gros éventail de jonc. Éventail ? Corbeille plutôt, que Lurcain considère, vers laquelle, à cause de sa fatigue, et aussi de son état de languide bien-être, il se laisserait glisser. Glisser, sans appuyer, dans un rêve. En réalité, il n’a aucune envie de bouger de ce divan.

Comme tout le monde était casé, que seule l’amie restait debout, veillant à ce que chacun eût ses aises, il lui a commandé péremptoirement de se mettre près de lui sur le divan. Il garde Marie-Louise en face, pour le régal de ses yeux. Et l’amie s’est assise. Il se sent tassé entre ces deux femmes. Elles forment un public dont il est sûr. Leurs regards applaudissent. Celle-ci, dont il n’a retenu le nom et que personne ne nomme, est sans doute l’occupante de l’appartement. Elle s’y encadre de telle façon qu’il a peine à l’en détacher pour mieux voir ses traits. Elle ressemble aux grands murs clairs, non encombrés de tableaux, à la lumière adoucie, aux meubles simples qui forment de solides îlots dans la pièce, aux rideaux de tulle calme tirés sur de l’inconnu. Il ne peut pas plus lire en elle qu’il ne devine ce qu’il y a derrière ces rideaux. D’ailleurs, aucun souci de se lever pour aller voir. Il est content qu’elle soit là, atome de cette atmosphère, meuble sympathique de ce logis où il passe une heure banale en apparence, inou-