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marie le franc

avec un tremblement généreux, secouait sur nous au passage et qui étaient faits pour glisser, non pour être retenus. Nous nous plaisions ensemble ainsi que des personnages qui se rencontrent dans un rêve nocturne. Représentant des sangs divers, nous n’avions plus d’autre patrie que celle de notre entente sans bornes. Nous étions là, desséchés de plaisir, trois aiguilles de pin tombées sur le sol de la forêt et qui, détachées de leur arbre, l’écoutaient chanter.

Nous débouchâmes sur Blue Sea Lake, le lac de la Mer Bleue.

Et le seigneur du lac, notre hôte, se présenta à nous.

Il était botté, je serais tentée de dire : éperonné. Avant de voir son visage, nous vîmes d’abord l’homme par les pieds, auxquels nous reconnûmes son titre de seigneur. Ils étaient plantés fermement sur le sol, comme deux pieds d’arbre à droite et à gauche d’un pas de porte. Ils reposaient sur l’humus forestier plutôt qu’ils ne s’y enfonçaient, à l’aise là-dedans, se gardant de l’écraser, et la terre montait avec tendresse autour d’eux et les léchait. On s’attendait à le voir se pencher vers elle : « Tout doux ! là, là, ma belle ! »

L’herbe de printemps formait autour des larges semelles des corbeilles. Tout l’amour qu’inspire la