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marie le franc

ture, et qui sont écrits en langage de Provence. Son rire éclate brusquement, traverse un pont. Elle sort de sa réserve, elle va plus loin qu’elle ne voulait aller. Il y a dans son rire un peu du même souffle que dans les œuvres de Duc Lurcain. On chancelle, amusé. On a envie de retenir son chapeau. Rire vite honteux de lui-même, qui se reprend d’une façon si soudaine qu’on dirait qu’il rougit. Car Marie-Louise est grave. Bien de sa génération aussi : poursuivant son but, se livrant à ses enquêtes. Elle a un esprit rempli de petits casiers, de notes marginales. L’esprit se plaint même parfois qu’il n’a plus de place. Elle vient de mettre la main sur ce spécimen d’homme de lettres, non point le genre qu’elle rencontrait à Paris, qui tourne en rond, mais européanisé, américanisé, mondial. Elle, qui prend le train pour aller voir un musée à Chicago, une bibliothèque à Boston, voyage en ce moment sans bouger de place. Elle parcourt Lurcain de salle en salle. Mais tout cela avec tant de grâce, de sincérité ! Elle pose des questions de reporter avec une espèce de balbutiement virginal. Ils discutent André Gide, Duhamel, Bergson, l’architecture américaine, les Soviets, Jacques Copeau, les dîners du Pen Club. Il n’y a que le climat nordique dont elle refuse de parler. Quand il est question du froid, elle re-