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visages de montréal

blague Mme de Noailles qu’il aime, demeure muet sur Valéry qu’il vénère. Tous, malgré eux, portant certain uniforme, tous un peu desséchés, disciplinés, rétrécis, dégringolant de l’émotion dans l’ironie, surveillant une admiration naissante comme un commencement de grippe, comptant les battements de leur sensibilité, exerçant leur esprit comme la fouine son museau. Ils détruisent en causant plus qu’ils ne créent, persuadés que ceux qui les écoutent sont assez avertis pour ne pas les prendre au sérieux. On a envie de leur passer le cendrier. Quand il y a un Anglais parmi eux, il fait l’effet d’un buvard qu’on applique sur tant de paroles répandues. Vive l’Anglais ! On voudrait lui proposer une partie de barres.

Pour le moment, c’est Duc Lurcain qui est le buvard. Il laisse parler. Lui ne dit mot. Il a épongé son front un peu dégarni. Ses cheveux blonds pendants évoquent le feuillage d’un arbre après la pluie. Ses yeux bleus sont paisibles, heureux, avec quelque malice tout au fond, une sagesse qui ronronne, enroulée sur elle-même, mais entre ses paupières plissées englobe la situation.

Marie-Louise est assise dans un fauteuil bas, lui faisant vis-à-vis. Elle le touche presque des genoux. Elle lève sur lui une face absolument absente de détours, des yeux immenses, lumineux et veloutés, noirs, des yeux qui se prêtent à la lec-