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marie le franc

Vice-Chancelier de l’Université anglaise, des tas de gens munis de présidences et de rosettes, tous pareils : smoking, sourire, importance et banalité. Il pressentait l’invitation au champagne en petit comité, les femmes de ces messieurs, le souper indigeste, le retour en limousine.

Marie-Louise regardait son poignet, — est-ce son pouls ou une montre invisible ? — et disait de son air crâne :

— Il n’est que dix heures. Si j’osais vous prier de venir… Je suis avec une amie qui habite tout près… Il y a un petit groupe de camarades qui seraient enchantés…

Ces mots : une amie… petit groupe… camarades, étaient frais à entendre, faisaient l’effet d’un sorbet à sa langue desséchée. Il se tournait vers eux : amie, petit groupe, camarades. L’échappatoire ! Duc Lurcain fonce au milieu du tas d’officiels dressé devant lui comme une grosse bedaine, et se faufile hors du Ritz, mêlé à la foule que fendaient les talons acérés et volontaires de Marie-Louise. La porte tournante, manœuvrée par un jeune groom sportif, débitait le public avec une régularité de machine automatique, et happa sans plus de façon le conférencier. Il se retrouva sur le trottoir comme s’il venait d’être bousculé, un peu ahuri, séparé par accident de quelqu’un. Marie-Louise l’avait devancé et se retourna, ayant l’air