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marie le franc

Je traversai la rue, passai sous l’arceau de la barrière, montai l’escalier de pierre de la maison grise. J’étais convaincue que Florence en personne allait venir m’ouvrir, gantée de vieux gants et sécateur en main, ou bien que je verrais son visage éclairé de surprise derrière la vitre, au-dessus des fleurs de printemps. Elle aurait une exclamation : « Ma foi ! » et un rire trébuchant, avant de savoir de quoi il s’agissait.

Le vieux butler m’informa que Mrs K. était sortie, qu’elle rentrerait pour le déjeuner. Si je voulais l’attendre…

La fièvre qui me brûlait tout à l’heure à la pensée de Florence se refroidissait. Le lien entre elle et moi se rompait. Je sentis qu’elle ne serait jamais aussi vivante que durant le temps où j’accourais à elle en descendant la rue, portée par l’allégresse de l’eau délivrée.

Il m’eût fallu la revoir tout de suite, me rattacher à elle par le fil cuivré de sa voix, ne pas lui laisser le temps de se reprendre, et que surgît dans son regard une flamme d’intérêt vite consumée, vite refroidie, noyée sous les anciennes défaillances.

J’étais sûre qu’à la faveur de la surprise j’eusse retrouvé la Florence d’autrefois, exactement au point où je l’avais quittée. Mais attendre, la voir entrer préoccupée de son excursion de la matinée,