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visages de montréal

Elle était mariée maintenant et elle jouit du plaisir de m’apprendre la nouvelle. Le nom du professeur de chant me traversa la mémoire. Comme si elle m’eût devinée, Florence se hâta de me renseigner : elle avait épousé un employé de la banque de son père. Tout un roman : un Anglais d’Angleterre, à qui elle n’avait fait aucune attention pendant des années et qui à force de persévérance avait fini par la décider. Très gentil d’ailleurs. « Il demeurait en bas, disait Florence en désignant une rangée de maisons obscures au pied de la colline, et il me voyait quelquefois sortir de chez moi pour descendre en ville. »

Malgré ce nom de roman qu’elle donnait à son aventure, je n’étais pas convaincue de son enthousiasme. Je rencontrai un peu plus tard le mari. Il était bien ce qu’elle avait dit : beau, d’une beauté de gravure de modes, les traits réguliers, la bouche parfaite sur des dents brillantes, le nez un peu courbe, les moustaches aux pointes cirées, les vêtements aux plis si impeccables qu’on en avait une impression de gêne physique. Bref, une façade, et assez banale malgré sa perfection. Florence, ce roseau penchant, avait épousé plus faible qu’elle.


Je lui demandai ce qu’elle faisait là, sur sa chaise-longue, au lieu d’être dehors, sécateur en