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marie le franc

Florence dût demeurer pour moi un portrait devant lequel on ne peut se livrer qu’à des conjectures.

Deux fois par semaine, si je m’en souviens bien, je montais les hauteurs glissantes de Pleasant View pour arriver jusqu’à Florence. Ce n’était plus une toute jeune fille. Il y avait déjà quelques années qu’elle était revenue de la « finishing school » d’Angleterre et plusieurs saisons qu’elle avait fait ses débuts dans la société de Montréal. Florence parlait moins de bals et davantage de luncheons. Comme sa mère était morte, elle tenait la maison de son père et assumait une allure de jeune femme indépendante. Elle se découvrit des goûts d’artiste, étudia le chant, la décoration intérieure, remporta un prix du Country Home Journal, posa pour un peintre qui lui avait déclaré que ses cheveux présentaient le véritable roux titien. Elle voulut aussi parfaire sa connaissance du « Parisian French » acquis à Londres. C’est pourquoi elle m’avait happée au passage, un matin de mai, et invitée, avec une grâce qui creusait sa joue d’une fossette, à aller m’entretenir avec elle.

J’arrivais, un manuel de conversation gros comme une Bible sous le bras. Mais nous ne nous en servîmes jamais. Je garde de cette époque de la vie de Florence le sentiment qu’elle se tenait