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quelques minutes, elles sont prêtes, Nanki et elle. Elle trouvera là, assis à même le tapis, un ring cosmopolite, où on voit coude à coude des acteurs, des musiciens, des photographes d’art, quelques habitués de Hill-Park, et au milieu deux authentiques young ladies de Woodbound qui dansent un shimmie en courte chemise américaine, sous le regard sévère d’une vieille gouvernante ! À son arrivée, on fait signe à Jeannine de prendre place dans le cercle. Mais elle préfère s’asseoir sur un divan. Le maître de la maison vient par courtoisie la rejoindre. Il passe un bras derrière elle. Jeannine s’appuie à son épaule, ferme à demi les yeux, glisse dans un inconscient tiède, confortable, heureux, et murmure d’une voix d’anesthésie : « Ah ! qu’on est bien ! » Est-elle au cinéma, dans son bain, à l’église ou à cheval ? Les petites, la danse finie, se réfugient derrière le paravent où leur duègne, en trois gestes exactement, habille chacune, passant par-dessus la tête le collier, la combinaison, la robe.


Ses meilleures amies se plaignent de son indifférence. Elles l’appellent « la douce et lointaine Jeannine, occupée de sa chienne et de ses tiroirs ». Quand on réclame sa présence, elle répond d’une voix catégorique : « Impossible, je suis en train de ranger ! » Elle collectionne les lettres, les jour-