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visages de montréal

Elle réclame toute la responsabilité de l’accident. Elle tient à prouver qu’il n’y a pas eu de la faute de l’animal. C’est elle qui a manqué de prudence. Elle le remontera dès qu’elle sera remise. Elle a hâte de lui tapoter amicalement le cou.


Pauvre douce Jeannine ! De bonnes âmes ont entrepris de l’arracher à ce qu’elles prennent pour une indolente vie au fond de son grand appartement, entre sa chienne et ses tiroirs. Elles ne tiennent pas compte du cinéma, de Hill-Park, du téléphone, de la cour innocente que lui font le postman et le plombier, de la promenade au campus, de la messe du dimanche matin, de la visite de Julien qui vient cirer les planchers pour avoir l’illusion qu’il les cire encore chez son colonel, de ses rendez-vous quotidiens au sujet de la boîte. Et tant d’histoires qu’il lui faut écouter ! Celles de son mari et par lui celles de Germaine et de la Mutual, celles de Julien qui se croit poursuivi par des femmes amoureuses, celles de la femme de ménage qui vient de Tahiti et en colporte toutes les superstitions. Et ses lettres qu’elle ne peut écrire, et ses comptes qu’elle ne peut faire qu’entre minuit et quatre heures du matin, et son bain qu’elle prépare comme un bain de malade, les yeux sur la pendule et le thermomètre, et toutes ses habitudes qui se succèdent dans un ordre immuable