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passe des nuits au jeu, néglige son travail, vient faire des scènes à l’appartement, affole Nanki, rafle les provisions de la glacière, dévore comme par distraction le hachis qui mijotait au four pour le dîner de « la p’tite », et s’en va sans payer. Cela l’amuse aussi de scandaliser ses amies bien pensantes, qui prétendent qu’elle n’a pas de sens moral. Elle entend leur voix consternée : « Oh ! Jeannine-douce, comment pouvez-vous ! » Elle imagine déjà les regards des gens selects sur les pelouses, au moment où Bobette paraîtra… Le président du club des Four Horsemen, où se tiendra le horse show, est un des habitués du Hill. Jeannine et lui sont en excellents termes et leurs chevaux s’entendent bien. C’est un homme aux idées larges et elle ne prévoit aucune difficulté à l’admission de Bobette.

Pour une fois, sa psychologie est en défaut : le président refuse, courtoisement, mais catégoriquement. Sa propre femme, ses filles doivent monter, et les amies de sa femme et de ses filles. Il n’y aura sur les pelouses que des gens de Woodbound. Encore, s’il n’y avait que les hommes ! Ce pauvre président ! Dans quelle situation a-t-il failli se trouver ? Car il a eu l’imprudence d’inviter Jeannine à se rendre dans son auto au Four Horsemen le jour de la réunion, et il la voit d’avance lui présentant la notoire Bobette, faisant de