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marie le franc

vieux monsieur crampon qui trottine à ses côtés en lui énumérant les défauts de sa housekeeper, abandonner la large allée sablée pour disparaître dans un bridle-path qui s’enfonce sous les arbres et a l’air de mener au soleil couchant comme à la hutte de l’ogre. Jeannine ne veut parler ni entendre parler. Subitement toute l’humanité est devenue d’une seule catégorie : il n’y a plus de belles âmes. Du plat de la main, elle tape deux ou trois fois le cou de son cheval : celui-là est all right ! Au sommet du cratère, un seul pin prend sous son éventail tout le paysage. En bas, la ville rutile à travers les arbres, comme posée sur des copeaux de cuivre rouge. La nuit d’octobre tombe. Il n’y a plus personne. On entend le cahotement d’une charrette qui emporte les feuilles mortes. Ces crépuscules d’octobre la rendent sentimentale. Quelquefois, elle se laisse rattraper par un cavalier solitaire, plus fringant que le monsieur en puissance de housekeeper. Tout de suite, ils causent intimement. Il est curieux que tous ceux qui chevauchent aux côtés de Jeannine, hommes ou femmes, en arrivent aux confidences, que Jeannine à cheval ne soit plus du tout l’indolente Jeannine de l’appartement. Le cheval la dote de sympathie, de psychologie, d’un état d’âme spécial. Elle voit de haut les petits ennuis qui l’irritaient tout à l’heure. Les méandres des sentiers qu’elle