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marie le franc

Il y avait au volant un être au visage pâle et à la robe verte que je ne connaissais pas. Elle se présentait de profil comme ceux qui se hâtent vers un but ardent et n’ont pas le temps de se retourner, et comme les biches aussi qui viennent de surprendre dans le vent l’odeur du chasseur. Ses yeux d’un noir fauve s’entouraient d’un halo d’ombre mouillée pareil à celui que dégagent les sources sous les futaies. Il fallait s’en approcher à pas réservés pour ne point les effaroucher. Ses cheveux sombres, brouillés par en dessous de reflets cuivrés, tombant droit comme des joncs, cernaient son petit visage d’ondine.

Nous nous connûmes d’un seul regard. Ensuite, elle s’occupa de celle qui allait nous emporter, se pencha dessus, la tapota du pied ainsi qu’une bête qu’il faut décider à bouger, et une fois Widgeon en route, se redressa, traversée de vibrations, et respira d’une haleine longue et contente. Il fallait lui donner un nom. Je l’appelai Elfe par esprit de justice, puis Elfie par amitié.

Je m’assis près d’elle. Je sentais son cœur battre sous ses côtes minces, serrées comme les plumes d’une aile repliée.

Un jeune homme, qu’elle appela du nom étrange de Cavelier, tâta de ses reins l’encoignure que laissaient libre nos corps de femmes, essaya de s’y loger, allongea les jambes, s’arc-bouta sur les