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Mme Legendre, la tante d’Aline, s’aperçut vite que les deux jeunes gens s’aimaient, que Wilfrid, malgré l’instable et le précaire de sa situation, était un honnête garçon qui ferait un excellent mari et rendrait sa nièce heureuse. Comme elle avait hâte d’assurer le sort d’Aline, ce fut de grand cœur qu’elle encouragea le jeune homme à se déclarer, puis qu’elle l’accueillit dans la maison à titre de fiancé.

Mais, de l’avis commun, il fut décidé qu’on laisserait passer l’hiver avec tous ses aléas et que le mariage aurait lieu au printemps suivant.

La tante et la nièce vinrent occuper un petit appartement sur la rue Saint-Denis, durant la mauvaise saison, car il n’était pas possible qu’Aline se rendit de la banlieue au centre de la ville chaque jour, et elle tenait à conserver son emploi. De plus, le médecin, appelé au commencement de novembre pour une bronchite qu’elle avait attrapée, avait prévenu que la malade garderait des bronches délicates, qu’il faudrait se méfier des refroidissements, des stations sous la pluie ou des piétinements dans la neige.

L’hiver s’écoula dans une intimité pleine de douceur pour les deux fiancés. La compagnie des tramways avait remercié Wilfrid ainsi que tous les nouveaux venus, dès la suspension de ses services d’été. Il vivait d’un emploi subalterne dans une banque de la rue Saint-Jacques et de travaux d’écritures qu’il faisait chez lui en prenant sur son sommeil.

Souvent, son couvert était mis chez Mme Legendre, et il passait de délicieuses soirées aux côtés d’Aline. Ils faisaient des projets d’avenir, avec l’approbation souriante de la vieille dame. Quand onze heures sonnaient à la tour Saint-Jacques, elle roulait son tricot, et disait, en ôtant ses lunettes : « Mes enfants, il est temps d’aller se coucher. »