Page:Le Franc - Le destin - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 25 août 1906.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Maurice, comprenez-vous, je ne veux pas partir… Maurice, j’ai tant souffert… Oh ! avoir compté passer deux heures avec vous, pour vous parler enfin, deux heures que vous m’aviez promises… C’est quelque chose, Maurice, deux heures avec vous…

Il n’est pas possible que je parte, vous savez bien que vous avez été toute ma vie, et vous me refuseriez deux heures !…

Il l’interrompit :

— Voyons, Andrée, votre billet est pris pour New-York ?

— Oui.

— De là pour le Hâvre par « La Gascogne » qui appareille demain ?

— Oui.

— Et vous êtes attendu au Hâvre à l’arrivée de ce bateau ?

— Oui.

— Eh bien ! Andrée, il ne faut pas faire l’enfant. Ce serait une folie de remettre votre voyage.

Elle lui saisit la main.

— Vous voyez bien que vous me faites mal… Je vous en supplie, Maurice… Je prendrai le paquebot de la semaine prochaine…

— Enfant ! Vous ne partiriez plus… Vous ne songez pas au danger d’être ensemble…

— Je vous en supplie, Maurice.

— Voyons, on nous regarde, vous n’allez pas faire une scène…

— Vous savez bien que je ne veux pas faire de scène… N’ayez pas de mots cruels… Je souffre trop…

Il savait, en effet, qu’elle ne ferait pas de « scène », mais cette voix basse et désespérée le bouleversait, lui, l’homme fort, ces yeux où roulaient lentement