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Allongée sur le tapis aux fleurs énormes, devant le feu de bois, Paulette, les deux poings enfoncés dans ses boucles, lisait aux lueurs dansantes des flammes un extraordinaire roman de cape et d’épée, pris au hasard dans les vitrines tendues de soie verte de la bibliothèque où elle s’était réfugiée.

Le bruit de la porte qui s’ouvrit derrière elle vint la faire tressaillir au moment le plus émouvant de sa lecture, où le jeune chevalier au manteau couleur de muraille sort sa rapière, pour délivrer des mains des spadassins sa dame, une héroïne de sang royal, qu’on allait faire passer de vie à trépas dans les corridors du Louvre.

Paillette tourna son petit visage rosi par la flamme et l’émotion vers l’arrivant. La tête grisonnante de monsieur Romieux parut dans l’entrebâillement. Il venait sans doute de rentrer de son bureau : il avait encore la canne à la main et le chapeau sur la tête. Il regarda la petite forme allongée comme un beau chien de race devant le feu et reconnut sa Benjamine à sa toison blonde.

— Ta mère, Paulette, où est ta mère ?

L’enfant leva la tête, étonnée d’une pareille question.

— Mais, papa, elle est sortie…

Il frappa le parquet d’un coup de canne.

— Parbleu oui, je sais bien qu’elle est sortie ! Mais pour aller où ?