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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

eu de scène. Les forts n’en font point. Il lui annonça par téléphone qu’il venait d’être chargé par le Gouvernement d’une tournée d’inspection des avant-postes de pelleteries échelonnés sur les confins arctiques. Le projet, en train depuis quelque temps, venait d’aboutir. Il n’en avait point parlé plus tôt, puisqu’il n’en était pas sûr… Mais maintenant… Le voyage durerait au moins un an… Son côté sportif et aventureux le tentait… Et au point de vue affaires…

Aujourd’hui encore, ce mot d’affaires la faisait tristement sourire. C’est celui dont ils couvraient tous leurs mouvements, leurs défections, leurs fugues. Le grand échappatoire : les affaires. Ils pouvaient être libres et riches, avec une existence partagée entre le club, le terrain de golf et les courses, les réunions mondaines. Au moment où ils avaient besoin de changer d’air, repris par leur terrible goût de spectacles, de personnages et de décors nouveaux sur la scène du monde, ils jetaient dans le visage des importuns ou des curieux, des créanciers ou des femmes, ce mot magique d’affaires. Et il eût été fort déplacé, de la part de celles-ci surtout, de les interroger. La louve blanche se dérobait, dressait ses banquises.

En même temps qu’il annonçait à Ève ce départ extraordinaire, comme s’il se fut