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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

filet sur l’épaule, parfois ses bottes de pêche suspendues à son bras, et au retour son panier bien équilibré sur sa tête, il formait une apparition puissante et pittoresque qu’on voyait de loin sur la lande.

Ève calculait, d’après l’état de la mer, l’heure du retour. Elle allait au-devant de lui, du côté du golfe, quasi-vidé à marée basse, où l’eau pénétrait à la mer montante avec un bruit gras de lessive, d’une longue nappe régulière.

Elle reconnaissait son canot, car il y avait peu de pêcheurs qui se livraient à cette sorte de pêche. La plupart possédaient des ba­teaux trapus aux voiles rouges bien connues des riverains, sur lesquels ils s’embarquaient à deux ou trois pour aller au large pêcher la sardine. Ceux-là passaient la nuit en mer.

Il n’y en avait qu’un autre qu’on pouvait confondre avec Grand-Louis, un tuberculeux de la marine, au sang brûlé dans les soutes des navires, trop malade pour faire la pêche du large. Mais il toussait et chevro­tait perpétuellement. On l’entendait de loin croasser comme un pauvre goëland blessé, et c’est ainsi qu’on le distinguait du Grand-Louis.

Du haut de la falaise, elle le hélait jusqu’à ce qu’il l’entendît. Il ne faisait pas de geste