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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

avec admiration, disant qu’on l’eût pris pour le capitaine en tournée sur les digues. Celui-ci était très grand aussi, on le découvrait de loin, heureusement, et on avait l’air très éveillé quand il arrivait à la guérite.

Grand-Louis n’était plus un hôte à charge. Il apportait sa contribution au ménage.

Ève, quoique s’accusant de préjugés in­dignes de l’affranchie qu’elle était, ne pou­vait s’empêcher d’en éprouver du soulage­ment : l’Innocent se réhabilitait. Les jours où la pêche donnait en abondance, il s’était mis à offrir dans les chaumières pauvres échelonnées le long de la côte le poisson dont ils n’avaient pas besoin.

De retour à la maison, il riait en cherchant, éparpillés dans ses poches, les billets illi­sibles, déchirés et recollés, qu’on lui donnait en échange, au petit bonheur. Ils étaient mis de côté à son intention pour l’obscur plus tard.

Des gens venaient même jusqu’au Landier, des femmes, en général des vieilles au dos courbé et qui semblaient fureter après la nourriture, vêtues de robes de mérinos ver­dies, mais proprement raccommodées, gardant la coquetterie d’une coiffe blanche. Elles entraient s’asseoir un instant en face d’Ève, osant à peine s’appuyer aux fauteuils dont elles n’avaient pas l’habitude, et les