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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

treraient toujours avec ce regard neuf. Ils garderaient à leurs actions des mobiles secrets, et à leurs paroles un sens imprévu. Ils ne finiraient jamais de se découvrir. Il n’y aurait pas cette lente et terrible fusion de deux personnalités. Chacun veillait sur la sienne. Ils continueraient à s’aborder avec un sourire sur les lèvres et un masque sur les yeux. Ils n’étaient durant les veillées séparés que par une longueur de bras. Et pourtant, la distance était immense. Chacun descendait dans les dédales de l’être inté­rieur. Chacun entendait décroître le pas de l’autre. Et chacun ressentait à se murer ainsi un sentiment de délivrance. On ne bâtit que dans la solitude, on ne crée que de ses mains. Chacun creusait sa propre sape, attentif, l’oreille aux aguets, rassuré d’en­tendre, de loin en loin, le faible écho d’un effort parallèle et invisible.

Ils n’avaient ni l’un ni l’autre atteint le but. Ils n’étaient qu’à une étape. Ils s’é­coutaient haleter, impatients de voir se dérouler les riches ténèbres. L’effort cou­vrait leurs mains d’une noire poussière. La profondeur à laquelle ils descendaient était une protection. Là-haut, lui se battait contre des ombres. La lande hérissée se jetait sur lui. La femme, de son côté, était une mince silhouette dans les espaces chavi-