Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
GRAND-LOUIS L’INNOCENT

La rue n’était plus qu’un vague fossé entre les osiers et les aulnes que formait le barrage du vent mêlé de flocons. Elle dut se mettre de côté pour laisser passer l’équipage. La face de l’enfant, rouge de froid, sortait des couvertures de fourrure blanche, mais ses yeux étaient alertes dans la tempête. En passant près d’elle, il avait poussé une sorte de rugissement de joie en la regardant, et il y avait mis tant de force que ses traits s’en étaient crispés. Sa bouche béait sur ses grosses dents de devant, les premières dents, qui semblaient vouloir mordre à la neige qui tombait.

Grand-Louis, sans doute, ressentait lui aussi une aveugle joie de vivre, en ce matin de juin, au haut du monde et il s’avançait parmi les forces obscures en vibrant comme une mâture puissante dans le vent de mer.