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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

qui, après s’être vus chaque jour sur le pont, dans les chaises-longues, enveloppés de couvertures, ou rencontrés le soir en vêtements de gala dans les salons, se reconnaissent à peine une fois à terre, en costumes de ville, avec un curieux air de décision, de hâte et d’inquiétude répandu sur leurs traits. La préoccupation de bagages à retrouver et à faire visiter, d’un train à prendre, transforme plus qu’une maladie un visage.

Cependant, Grand-Louis vint se placer à ses côtés et ils reprirent leur marche en silence.

Elle avait choisi la grand’route qui courait haute et droite à travers la presqu’île. D’un côté, on voyait la bande d’un bleu sombre de l’Océan, le long de la froide découpure de la côte, de l’autre la vasque plus claire du golfe du Morbihan, bordée par les hameaux aux maisons penchées les unes vers les autres et chuchotant sous leurs coiffes. La tour de l’église de Saint-Gildas bâtie sur un promontoire de rochers s’avançait comme une cheminée de navire dans une mer de brume et le village demeurait invisible.

Jusqu’à ce que le soleil parût, il faisait plutôt frais, et il fallait presser l’allure pour se réchauffer. Ils marchaient vite, d’un même pas allongé et cadencé, sans dire