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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Un peu plus tard, elle apprit que le Grand-Louis reprenait ses habitudes des jours de famine : il rôdait maintenant sur la côte aux heures où les barques mettent à la voile et sautait dans la première venue. Comme il n’y avait pas meilleur marin que lui, on lui donnait une bourrade amicale, et on se serrait pour lui faire place. Au retour, après la soupe de poisson du bord, au lieu de se sauver comme jadis une fois sa faim satisfaite, il attendait sans rien dire qu’on vidât les nasses, et recevait sa part de pêche.

Un jour, il arriva à la lande dans un état de bouleversement extraordinaire. Ses yeux lançaient des éclairs, ses fortes lèvres tremblaient.

Elle ne l’avait jamais vu ainsi. Ce qui frappait chez cet homme était au contraire un calme et une douceur qui mettaient un rampart de dignité autour de sa déchéance.

Il montrait son panier vide et les explica­tions qu’il tentait de donner se traduisaient par des cris inarticulés pénibles à entendre.

Elle fit de son mieux pour le calmer. Mais elle sentit pour la première fois une force révoltée et massive sur laquelle sa douceur n’avait pas de prise.

Vincente entra sur ses talons, et son agitation égalait presque celle du Grand-