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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

rêve, aucun lien entre une idée et son exécution, aucun rapport entre les phases d’un même acte, et quand elle cherchait à l’amener à quelque raisonnement puéril, ses yeux révélaient une sorte d’égarement et même de souffrance. Il sentait que cet échec lui causait une déception, et il avait l’air, par son humilité, de lui demander pardon.

Il prenait à présent la plupart de ses repas au Landier. Il n’avait plus l’aspect minable des premiers temps. Ses joues s’étaient gonflées, ses épaules redressées. Il portait un gros gilet de laine tricoté par une femme du pays.

Mais leur budget s’équilibrait mal. Il ne venait plus d’argent de l’étranger. Vincente n’aidait plus au ménage. On mangeait du pain grossier d’après-guerre.

Un jour, elle tenta une expérience. L’heure du repas du soir était arrivée. Il rentrait après un de ses longs vagabondages quotidiens le long de la côte. Le couvert était mis comme de coutume, mais le fourneau était froid et les assiettes vides.

Il alla découvrir une à une les casseroles, constata avec surprise qu’il n’y avait rien dedans. Ève, assise à table à sa place coutumière, guettait ses mouvements.