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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

une caresse dans les ténèbres. La nuit était tout à fait tombée, brusquement, comme si on venait de souffler une lampe. Les feux tournants d’un phare éclairaient par inter­valles, d’une clarté terrible, la conscience endormie du paysage. La lande complotait sous son masque. Elle avait effacé ses chemins.

Hésitante, Ève se tourna vers le Grand-Louis. Il était agenouillé devant le foyer. Il arrangeait le feu. Ses gestes étaient lents, appliqués, empreints d’une volonté étroite et concentrée. La lueur des braises coulait son profil dans le bronze.

Elle l’abandonna à lui-même, s’assit à la table de travail, le dos tourné, sortit le manuscrit du tiroir. Chacun s’absorba dans sa tâche. Chacun apporta à construire la même ardeur, la même lucidité, et, elle le sentait bien, la même satisfaction. La lu­mière de la lampe donnait à ses doigts à elle une agilité presque fluide, tandis que la flamme rebelle du foyer s’accrochait en fauves éclats au torse penché de l’homme.