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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

fois face à face avec elle, était le cadre qui lui convenait par excellence.

Avec Grand-Louis, il n’y avait pas à se dé­fendre, à lutter, à dominer. Il n’y avait pas à redouter cette horrible sensation d’a­vancer sur un glacis, de gagner quelques pas pour reculer ensuite. Il n’y avait pas à dissimuler, à se plier à son humeur. Il était comme l’essence même du paysage, le granit sous les frivolités de la brume et du soleil. Il donnait comme lui une impression de permanence : il était l’homme éternel. Une âme féminine, hantée par l’idée de la mort, trouvait un refuge en lui.

Il s’abandonnait tout entier. La con­fiance ruisselait de son être. En même temps, une personnalité intangible s’abritait derrière le rampart de sa faiblesse même.

Sa douceur coulait comme un flot autour des galets rugueux et heurtés de ses paroles.

Il faisait des progrès cependant et ses phrases se soutenaient pendant quelques minutes. La fréquentation de l’abbé Alain lui avait donné une certaine maîtrise. Il était lent à adopter une expression nouvelle. Chacune d’elles était pour lui un domaine dont il faisait le tour avec précaution avant de s’y hasarder. Il ne pouvait d’abord la séparer de l’atmosphère à travers laquelle elle était venue à lui. Certain mot qui