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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

cherchant un refuge. Elle ne pouvait croire que ces yeux si proches des siens fussent ceux qui erraient tout à l’heure sur les choses, parfois sauvagement.

Ah ! qu’ils étaient maintenant suspendus à son regard, avec une certaine ardeur angoissée à le retenir. Ils parlaient le langage équilibré qui était refusé aux lèvres. Ils disaient le long effort de la journée, la journée de l’homme d’action qui en raconte les incidents à son foyer. Et c’était d’un regard égal qu’elle rencontrait le sien, sans attendrissement, sans perplexité. Il n’était plus l’homme surnaturel. Ils devenaient égaux. Des yeux, elle conversait, discutait avec lui, se livrait parfois au jeu des taquineries amicales.

Il fallait rompre le silence avec précaution, en faire le tour pour trouver la brèche par où pénétrer dans le beau jardin lisse.

Elle chuchotait : « Grand-Louis »…

La réponse était toujours prête : « Ève »… Et la voix restait suspendue sur ce nom, légèrement questionneuse, chargée d’attente.

Cela suffisait. À ce moment, elle le situait dans le passé. Les modulations de sa voix, cette note qui se prolongeait sans se briser, qui s’achevait dans ce souffle, et dans ce soupir, dans ce silence, dans cette tendresse