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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

cette gaule, en effleurant les ajoncs et les bruyères de la route ?

Ève lui trouva, curieusement, l’air d’un saint de pierre. La fontaine en ogive met­tait un capuchon d’ombre sur son visage, qu’il tenait droit, mais dont les paupières étaient abaissées.

Lorsqu’il réalisa sa présence, une onde légère, lente, presque invisible s’étendit peu à peu sous les traits qu’on aurait pu croire un relief du granit, et dont la palpitation tenait du miracle. Son regard monta jus­qu’au bord des yeux, si frais et si profond, qu’elle fut tentée de faire un vœu, comme les pélerins qui se penchaient sur l’eau de cette fontaine.

Elle lui prit la baguette des mains, et assise sur l’herbe à ses pieds, elle se mit à tracer des arabesques.

Le saint de pierre était, bien sûr, sorti de sa chapelle pour venir boire à la source et humer l’air, dans la lande déserte. Alors, elle posa la main sur la main du saint. La grande main n’eut pas un tressaillement. Elle n’eut pas de recul non plus. C’était une main de pierre, polie et rugueuse en même temps, chauffée du soleil, une main qui garde des années le bouquet de fleurs qu’on y dépose en offrande. Elle servait d’assise à la main vivante dont elle sentait