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XXV


Un silence fluide et vivant était le plus souvent entre eux, un chemin d’eau qui portait leur pensée l’une vers l’autre, un beau silence transparent qui ne cachait rien, ni reproche non formulé, ni désir insatisfait, ni volontés contradictoires.

Ève évoquait le silence qui avait pesé sur les tête-à-tête d’autrefois, le silence qui n’était qu’une robe de mendiant sous laquelle le cœur affamé se cachait, n’osant crier tout haut sa misère, le silence qu’on déchirait d’une parole blessante, ou que l’on occupait, au fond de soi, à se donner raison et à rassembler ses griefs contre l’autre. Silence plus dou­loureux qu’un langage, où l’on mesure mieux le gouffre, où celui-ci s’approfondit à mesure que celui-là se prolonge.

Silence tendu entre deux âmes, rigide, métallique, qu’on veut et ne veut pas briser,