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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Et s’il était marié ?… Son devoir n’était-il pas de tenter l’impossible pour l’aider à reprendre sa personnalité antérieure et à retourner à sa famille ?

Son devoir !… Elle haussa les épaules. Tant de gens s’en font une conception fausse. Pour eux, le devoir, c’est le sacrifice. Il a une face longue, il exige sa livre de chair. Pour elle, le devoir commençait par soi-même, et le devoir était le bonheur. Grand-Louis et elle l’avaient trouvé, dans le pauvre royaume de la lande. S’il avait une femme, celle-ci avait eu le temps de se consoler. Sinon, tant pis pour elle ! À chacun son tour. Le sort avait mis l’homme de rêve sur son chemin : on ne contrarie pas le sort. On ne considère pas la vie comme un tout, on la prend par phases, comme si chacune n’était pas rattachée au passé, comme s’il n’y avait pas de lendemain. Chaque moment est une vie complète. Le passé croule comme des feuilles mortes, et personne n’est sûr de l’avenir. Le présent seul compte. C’est la statue à laquelle on travaille. On en palpe du doigt la matière vivante. Grand-Louis vivait pour le présent.

Ce qui importait était de remettre celui-ci sur pied. Plus tard, beaucoup plus tard, quand il aurait son mot à dire pour les affaires qui le concernaient, on envisagerait l’aventure d’une opération.