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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

cramponner on ne savait à quoi, et chaque tunnel était un supplice. Une catastrophe allait arriver… Elle regardait avec stupeur les physionomies ensommeillées des autres voyageurs.

Le cauchemar se dissipa avec le jour. À sept heures le train entrait en gare de Vannes. Il y avait encore un long trajet jusqu’à Port-Navalo par le chemin de fer d’intérêt local qui parcourait la campagne comme un propriétaire qui fait admirer son domaine et dont la lenteur exaspérait ceux qui avaient hâte d’arriver. Mais cette lenteur était bienfaisante après la course folle de la nuit, et aux portières les genêts caressaient comme des doigts fins les visages douloureux.

À onze heures, Ève était au but. La cour de la petite gare était déserte entre ses romarins ébouriffés par le vent. Elle prit le sentier qui longe la côte bordée de villas inhabitées qui, elles, ne pourraient lui jeter à la face de mauvaises nouvelles.

Elle monta tout droit l’escalier de pierre. Le grenier était vide, la couverture soigneusement pliée, un béret de marin abandonné sur le pied du lit. Elle redescendit, le cœur un peu lourd et rassuré en même temps, entra dans la grande pièce, rejeta vivement les battants des volets, et ayant changé