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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

Il lui prenait la main comme un enfant, et toute la soirée, il la suivait d’un air d’inquiétude.

Depuis qu’il avait semblé découvrir son nom sur l’enveloppe, il avait pris l’habitude de l’appeler Ève. Et quand elle était ren­trée et préparait le repas dans l’arrière-salle, il était comme un malade, criant après elle d’une chambre à l’autre, jusqu’à ce qu’elle vînt voir de quoi il avait besoin. Il avait besoin d’être sûr qu’elle n’allait pas s’en aller encore.

Elle le grondait un peu, et il était rassuré. Ils demeuraient un instant immobiles, face à face, devant la cheminée, grandis dans les demi-ténèbres, le corps bercé malgré lui au rythme de l’Océan. Puis Ève se détachait de l’ombre, retournait à sa besogne.

Cet homme qui si longtemps avait rôdé la nuit dans la campagne déserte, qui s’aven­turait en mer par tous les temps, qui avait donné des preuves de bravoure, manifestait tout d’un coup des effrois puérils ou bizarres.

C’était surtout quand il s’endormait pen­dant la soirée qu’il se réveillait en proie à une hallucination. Il tendait la main avec terreur vers la porte, le rideau bougeant de l’alcôve, un angle du mur.