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LES CONCERTS

Concert de musique anglaise moderne donné par Mlle Éthel Smyth.

Hier a eu lieu, à la salle Erard, sous le patronage de lady Feodorowna Bertie, de Mme la princesse de Brancovan, et de M. Gabriel Fauré, un concert consacré à la musique anglaise moderne. Titre excellent et prometteur, mais dont l’intérêt se résumait dans les œuvres d’un seul des compositeurs annoncés (je mets bien entendu hors de pair le beau quatuor en ut mineur de M. Gabriel Fauré). – Ce compositeur est une femme ; Mlle Ethel Smith (sic) ne s’est pas encore fait connaître en France, mais elle est déjà renommée en Angleterre et en Allemagne. Je m’empresse de dire que cette renommée est très juste. Nous nous trouvons ici en présence, non pas d’essais timides d’une mise en œuvre incomplète, d’une invention médiocre, mais bien au contraire d’un talent et d’un tempérament très accusés dont la forme ne trahit nullement l’hésitation. Cette révélation d’une personnalité musicale de race anglaise est d’autant plus digne de remarque que les compatriotes de Purcell n’ont guère montré depuis le dix-septième siècle que d’éminentes qualités d’assimilation.

Je ne voudrais pas exagérer la portée de cet événement et prédire prématurément à Mlle Smyth des destinées glorieuses. Il ne serait pas surprenant, cependant, que l’originalité de son œuvre déterminât dans son pays une orientation nouvelle. Je ne connais pas son œuvre musicale les Naufrageurs, que certains musiciens compétents m’ont déclaré être remarquables, pas plus qu’un autre ouvrage lyrique antérieur, mais les poèmes qu’elle nous a fait entendre hier sont suffisamment caractéristiques pour nous éclairer sur la qualité de son talent.

S’il fallait apparenter musicalement Mlle Smyth, ce ne serait pas à Johannès Brahms qui fut, je crois, son maître et distingua l’un des premiers sa nature artistique. Tout au plus dans certaines formes retrouverait-on la légère influence du maître de Hambourg, dans ses ouvrages de demi-caractères. La musique de Mlle Smyth est bien plus proche de la nôtre.

Les quatre poèmes qu’elle nous a révélés, l’Odelette, la Danse, Chrysilla, l’ode d’Anacréon, sont d’une invention