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LE PAYS DES HEUREUX

Les trois quarts de la vie se passent à chercher le bonheur ; et, quand on ne le cherche plus, on le rêve encore. On se crée, dans des contrées imaginaires, je ne sais quels vallons enchantés, où la terre est fertile et le ciel indulgent, où les mœurs sont pures, les esprits délicats, tous les cœurs satisfaits. Là, suivant son caprice, on se dresse une tente, une hutte, un palais ; et le château n’est pas commencé, le chalet n’est pas fini, qu’on le transporte ailleurs. Tout cela n’est que songe. On le découvrirait, ce magique Eldorado qu’on refait tous les jours, que l’on irait plus loin poursuivre son mirage. On le sait, et c’est à qui pourtant s’embarquera pour le trouver. Que de fois, moi qui vous parle, que de fois j’ai changé de climats, sans pouvoir me fixer nulle part, courant toujours après cette patrie du bonheur, qui fuyait sous mes pieds ! Je n’ai cru qu’une fois pouvoir y pénétrer. J’étais au moins sur ses frontières.

Il y a de cela bien long-temps : j’essayais pour la première fois de ma liberté, et j’apprenais mon métier de poète, en faisant celui de pèlerin, n’ayant pas la moindre lyre dans mon sac, et portant dans mon