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PROMÉTHÉE

Dieu venait de créer l’univers, non pas seulement cette humble et petite planète que nous trouvons si grande, mais ces milliers d’astres qui nagent dans l’espace, provinces flottantes de l’infini, dont il est le centre et le monarque. Il venait d’enfanter tous les mondes, et il s’était contenté de donner à chacun d’eux un roi pour le représenter. Prométhée fut celui de la terre : esprit immortel qui pouvait, au moins par la pensée, converser avec l’Être suprême, qui pouvait vivre heureux, ou seul, comme son maître. L’ambitieux n’eut pas foi dans ce bonheur, qui n’avait qu’un témoin ; et, croyant l’embellir, il s’imagina de vouloir peupler son royaume. D’une main insensée il pétrit de la glaise à son image, et fut quérir au ciel du feu pour l’animer. La glaise s’anima. Imprégnée du fluide sacré, la nouvelle créature eut le pouvoir de créer à son tour. Le prodige changea de forme en se multipliant, de vivantes statues germèrent et grandirent, comme les arbres des forêts, sur tous les points du globe, et c’est ainsi qu’il y eut des hommes. L’admirable larcin qu’a fait là Prométhée, et quel triste chef-d’œuvre a produit sa démence !