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quéreurs : les bâtiments qui n’étaient bons à rien devinrent un propre de la nation. Ils passèrent de là dans les mains ministérielles de M. Regnault de Saint‑Jean‑d’Angely, et les libéralités de Napoléon lui permirent bientôt d’en reconquérir les dépendances. M. Regnault, devenu riche et grand seigneur par son talent, dans un temps où le talent servait encore d’échelle, consacra une partie de sa fortune à restaurer ces masures, et l’abbaye du Val sortit de ses haillons révolutionnaires, rose et pimpante comme une petite maîtresse, avec des galons d’or pour cacher les accrocs de la hache, et des falbalas de plâtre à sa robe de nonne. Je ne répondrais pas que M. Regnault eût beaucoup de dispositions pour l’architecture : il eut le tort d’adosser à de vieux murs gaulois de jeunes maçonneries qui avaient la prétention d’être grecques ou romaines, de badigeonner leurs rides, de coudre à leurs ogives un tas de fioritures impériales qui n’étaient d’aucune époque, et de fourrer des Vénus dans des niches de Madone ; mais, en gâtant, il eut le mérite de conserver. S’il entendait mal l’art de bâtir ou de réparer, il entendait en revanche à merveille l’art difficile de dessiner et de planter des jardins. Les siens eussent fait honneur au talent paysagiste du fameux Hirschfeld. Il eut de plus l’esprit d’avoir une femme charmante pour faire valoir ses créations : et, devenue patronne de cette voluptueuse et peu rigide abbaye, je ne doute pas qu’elle n’ait attiré de nombreux pèlerinages à Notre-Dame-du-Val.

Ce malheureux domaine était destiné à connaître toutes