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mais, en fait d’aïeux et de sublime, on ne doit pas faire le dégoûté. Peuplée de si nobles souvenirs, ma maison n’en vaut pas, je le crains, trente sous de plus ; mais elle est précieuse pour un antiquaire, et je ne donnerais pas mes arceaux moisis pour vos blancs péristyles, pour vos plus fraîches corniches.

L’abbaye de Notre‑Dame‑du‑Val, qui était une des mieux rentées de France, fut saccagée, il y a cinquante ans, par les esprits forts de la révolution, qui, non contents de persécuter les hommes, persécutaient aussi les pierres, probablement pour avoir affaire à quelque chose d’aussi dur que leurs têtes. Je suis assez coulant sur l’article du renvoi des moines ; leurs mœurs étaient devenues si sales, ils abusaient si scandaleusement de leur opulence, qu’on ne peut guère en appeler de la misère qui les punit. Mais qu’avaient fait aux iconoclastes de 1792 ces vénérables piliers du douzième siècle dont ils ont mutilé la vieillesse, et tant de magnifiques vitraux dont ils ont fait de la poussière, par dévotion pour le néant ? À quoi bon ces ravages. On peut détruire des institutions : on ne démolit pas l’histoire. Mais les dévastateurs n’y regardent pas de si près, et les nôtres firent une boucherie de monuments digne des Vandales d’Alaric. Ils retournèrent de fond en comble le pompeux monastère d’Ansel de l’Isle et de Thibaut ; et, quand il fut complètement disloqué, ils le mirent en vente : ce qui était un excellent moyen de ne le faire acheter par personne. Il est vrai que ces messieurs travaillaient pour l’État.

Les biens territoriaux des moines trouvèrent des ac-