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Il n’est pas sûr que ce récit vous intéresse ; mais, rassurez‑vous, je n’abuserai pas de l’érudition. Il y a pour cela une assez bonne raison : c’est que je vous ai dit, sur l’origine de cette résidence, à peu près tout ce que j’en sais. Si je joignais à ces détails que les seigneurs de Montmorency se prétendaient les gardiens-nés de ce monastère, mais que le procureur du roi leur contesta ce privilège, et gagna au parlement en 1314, cela vous serait bien égal : et à moi donc ! J’ajouterai seulement qu’il y a plus d’un souvenir historique attaché à cette sainte forteresse, où mes obscurs travaux tiennent aujourd’hui garnison. Philippe de Valois y a logé à trois reprises différentes, je ne sais pour quel motif, d’abord en 1333, puis en 1334, et finalement en 1338. Une médaille d’argent, trouvée dans mon jardin, atteste ce fait consigné dans les livres. Et Philippe n’est pas le seul roi qui ait gratifié ou honoré le Val de sa présence. Quoique je n’aie pas trouvé de médaille qui le constate, il est universellement connu que Charles V est venu en 1369 prendre les eaux ferrugineuses de la fontaine Rousse, qui coule à quelques pas de mon enclos. Il était accompagné dans ce voyage par le plus illustre de mes ancêtres, Jehan Le Fevre, rapporteur de la chancellerie, le Thomas Morus de son pays et de son temps. C’est auprès de cette source bienfaisante que fut composé par mon aïeul le fameux poème du Respit de la mort, le plus bel ouvrage, sans contredit, du quatorzième siècle, auquel on ne peut rien reprocher, que d’être inintelligible. C’est sans doute un malheur et peut-être un défaut ;