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Nous remarquerons, en passant, qu’il ne réussirait certainement pas, s’il était écrit comme ces deux pièces, qui le sont fort mal : Zaïre abonde en solécismes, et Bérénice en platitudes : vérité, que je ne relèverais pas, par respect pour le génie, si l’on ne voulait pas continuellement écraser les vivants à coups d’illustres morts. Quant à Ovide, il est vrai qu’il y a, dans ses héroïdes, des redites et des longueurs. Mais par combien de qualités ne sont pas rachetés ces défauts ! Que de finesse, d’élégance, de nouveauté, dans l’expression ! que de fraîcheur dans les images ! J’ai entendu des esprits sévères, et peu habitués à méditer sur les molles délicatesses du cœur, regarder les épîtres d’Ovide comme un des legs les plus précieux de l’antiquité. Quant au reproche banal d’avoir quelquefois trop d’esprit, disons-le bien une fois pour toutes : avoir trop d’esprit, c’est en manquer ; et quand Ovide en a trop, c’est qu’il n’en a pas assez. Il est vrai que ses héroïdes sont toutes fondées sur l’amour ; mais cette affection est aussi variée que ceux qui la ressentent et qui l’inspirent : le désespoir de Sapho n’est pas le même que celui de Didon ; les chagrins de Médée ne sont pas ceux de Laodamie. Les sujets ont de l’analogie, sans avoir de ressemblance. S’en dégoûter, et c’est fatiguer qu’il eût fallu dire, c’est faire le procès à tous nos ouvrages d’imagination, à nos tragédies, nos comédies, nos romans, qui, depuis que le monde est monde, se traînent à peu près tous sur le même terrain : un mariage à faire ou à défaire. Il faut avouer que je ne sais trop ce que j’ai dit, en attribuant quelque justesse aux remarques de M. La Harpe ; elles ne sont pas