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réellement pas autre chose qu’un drame en raccourci, un drame dont les pensées sont les acteurs, dont les péripéties sont des nuances de sentiments et des caprices d’éloquence. C’est le monologue devenu confidentiel, un discours qu’on se tient à soi-même en présence d’une âme qui vous écoute. Il y a une infinité d’accidents tragiques, qui ne peuvent fournir la matière d’un drame qu’à la condition des accessoires, qu’en y greffant des épisodes parasites, qui les dénaturent et les étouffent. Doit-on s’abstenir d’y toucher, parce qu’ils n’ont pas l’étoffe de cinq actes ? Doit-on se refuser la chance d’une belle scène, parce qu’on n’a pas de quoi en faire une trentaine de médiocres, qu’on plaque autour de son intrigue comme des brochées d’alouettes autour d’un poulet maigre ? Il faut être M. de Pezay, gentilhomme de contrebande, qui n’était pas plus poète que marquis, pour soutenir mordicus ce paradoxe de duc et pair. Dira-t-on que c’est par impuissance de tisser un drame qu’on barbouille une héroïde ? ce sont les barbouilleurs qui font courir de ces bruits-là. Dès qu’on barbouille, c’est qu’on est fait pour ça : et ce n’est pas qu’il vous manque un genre particulier de talent ; c’est qu’on n’a pas de talent du tout. Je ne sais pas si c’est commun, mais cela se voit tous les jours.

Je ne suis pas de ceux qui ont toujours la balance ou le compas à la main, pour peser gramme à gramme, ou mesurer pouce à pouce, la noblesse des genres ; qui feront le roman baron et le poème vicomte. Je me soucie, moi, fort peu des titres. Je prends le bon où il se trouve, n’importe dans quelle classe. Je ne nierai pas