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que le chanoine Fulbert eût perdu près de lui son latin… et son rasoir. Il parle de ce qu’il regrette, comme un aveugle des couleurs. Ses pleurs bavards sont d’une impuissance déplorable, et par trop dans leur rôle. Est-ce donc sur ce fatras de larmes, répandues de travers sur des chagrins mal compris, qu’on doit se régler pour mettre avec nos yeux nos mouchoirs à l’index ? Voulez-vous réussir dans l’héroïde ? le secret est de ne ressembler à aucun des poètes français qui s’en sont mêlés, ou, si vous l’aimez mieux, d’être poète : c’est à peu près la même chose dans tous les genres. Ayez d’abord du génie ; puis, cette bagatelle acquise, tâchez de vous placer à une époque où vos acteurs, après avoir traversé une de ces phases terribles qui changent l’axe de la vie, soient rentrés ou retombés dans un état plus calme, qui permette à la douleur de s’analyser pour se plaindre. Alors, au lieu de me jeter des pierres, vous m’en ferez des statues. Ce ne sont pas les sujets qui manquent : ce sont les hommes capables de les traiter.

Encore une objection que j’ai entendu faire, et qui ne mériterait peut-être pas de réponse ; mais, s’il faut opposer aux sots le silence du mépris, il ne faut pas se taire sur les sottises. Courtisanes effrontées, elles couchent quelquefois avec les gens d’esprit, et leur laissent de douloureux souvenirs : cela s’est vu. Il est absurde, dit-on, qu’un homme qui n’a jamais fait un hémistiche de sa vie, attende pour essayer, qu’il soit au comble du désespoir et commence par en enfiler deux ou trois mille. Il est certain qu’au premier coup d’œil une pareille improvisation