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donnent de marcher de travers par égard pour les invalides, ou de se rendre asthmatique par respect pour les catarrhes. On y viendra sans doute : nous sommes d’un siècle où l’on ne doit désespérer de rien ; mais jusque-là on peut, je crois, défendre hardiment ma thèse. Il faut être né avec un bonnet de coton sur la tête, et même dedans, pour oser soutenir le contraire. Ce phénomène n’est pas rare : je connais bon nombre de ces antagonistes, qui sont nés coiffés en dedans et en dehors. Ils pavent les chemins, et ce ne sont pas, comme on dit, des esprits positifs : esprit ne va pas du tout ! ce sont des êtres négatifs, des zéros, qui n’ont pas même le mérite de faire valoir les unités.

L’héroïde est un genre faux ! ont prononcé gravement les puristes. Je pourrais demander ce que c’est qu’un genre vrai ; mais je ne veux embarrasser personne. Un genre faux ! eh, mon Dieu ! pas plus que tous les autres, pas plus que tout ce que nous faisons. Qu’est-ce que la vérité dans les arts, si ce n’est un mensonge un peu mieux arrangé qu’un autre ? La vérité, c’est comme l’éternité : on sait à peu près ce qu’on veut dire quand on en parle, mais on ne sait pas absolument ce que c’est. Un genre faux ! qu’importe, s’il peut plaire ! Quand il reposerait sur une duperie, le plaisir n’en est pas une. Croyez-moi : il n’y a de faux dans l’héroïde, que le talent de ses adeptes. C’est une monnaie poétique tout aussi bonne qu’une autre pour acheter la gloire. Au lieu de pièces d’or on nous passe, il est vrai, des jetons de cuivre jaune, qui sont mal frappés par-dessus