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en petits morceaux la vieille tragédie du marchand de. Londres, pour la faire bouillir dans je ne sais quelle marmite, où elle ne s’est pas rajeunie. Je trouvais alors cette rapsodie aussi sublime qu’elle est plate. Je n’avais d’ambition que celle de pouvoir écrire quelque jour, d’un style aussi mâle, aussi musclé, aussi profondément pathétique : je finirai peut-être par y arriver. Un peu plus tard, j’ornai ma mémoire des aventures monastiques du comte de Comminges, revues et dérangées par ce même mousquetaire, un vrai sacripant à la fleur d’orange, qui brûlait intrépidement tous les héros à sa chandelle, pour avoir le plaisir de délayer leur cendre avec ses larmes. Puis, j’étudiai Colardeau, le meurtrier de Pope, qui a eu l’indélicatesse de survivre à sa blessure : le coupable et vertueux Colardeau, qui appelle Héloïse une faible vestale, et profite de sa faiblesse pour éteindre le feu sacré. Vint ensuite l’abbé de Rancé, qui aurait pu choisir un autre secrétaire que M. Barthe. C’est aussi par trop de pénitence et de mortification, que de quitter sa bière de la Trappe pour se faire clouer dans un cercueil de six cents vers alexandrins, orné de vignettes et de culs-de-lampe. J’ai passé mon enfance à me sustenter de ces chefs-d’œuvre, et c’est sans doute à cela que je dois les miens. N’importe ! il ne m’en est pas moins resté, au lieu de rancune, un fonds de reconnaissance inaltérable pour ces productions, qui m’ont si souvent ému, et quelquefois troublé comme des victoires, que je désespérais d’égaler. Si j’ai rabattu, en vieillissant, de mon admiration pour ces poètes fanés,